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Coopération à distance ? Le numérique, ça pollue l'environnement

Les systèmes numériques sont bien moins dématérialisés qu'il n'y parait. Derrière l'affichage d'une page sur mon écran, il y a en effet du code à "interpréter" par une machine alimentée en électricité, des infrastructures réseau pour faire circuler l'information, et des personnes pour prendre soin de tout ça. Quelles que soient la licence du logiciel et l’éthique de l'organisation qui l'administre, ce n'est pas possible de faire "sans" tout ce matériel. Pour autant, des ajustements peuvent se faire à différents niveaux de cette chaîne, pour aller vers davantage de sobriété : quelle électricité, quel matériel pour les serveurs, quelles fonctionnalités et donc quelle intensité d'usage, quel degré de maintenance et quelle tolérance aux pannes et interruptions de service, ... ?

L'Internet de masse étant en très grande partie possédé et administré par des organisations à but lucratif massives et sur-puissantes, les enjeux de sobriété sont loin d'être la priorité. La priorité est donnée à la "nouveauté" des fonctionnalités, à l'efficacité par la multiplication des redondances, à la collecte de métadonnées et à la vitesse absolue du réseau. C'est cet objectif de générer toujours plus de revenus et les moyens qui y sont associés qui conduisent au développement technologique continu dans les réseaux (fibre, 5g, starlink) et dans les matériels (smartphones à renouvellement accéléré, objets connectés, ...). Ce développement continu entraîne une consommation énergétique et de ressources fossiles finies exponentielle. Cela rend aussi techniquement impossible de recycler ces matériels, devenus trop miniaturisés. Les progrès techniques marginaux dans l'efficacité énergétique des matériels sont de très loin effacés par l'accroissement du nombre d'objets connectés et du flux de données.

Cette croissance des consommations liées au "numérique" ne provient d'ailleurs que très peu de l'accroissement démographique. Elle provient plutôt de la miniaturisation excessive, de la multiplication du nombre d'objets numériques par personne dans les pays du Nord.

Face à cette situation, l'alternative n'est pas nécessairement l'arrêt net de tout usage des technologies numériques, mais plutôt un recours plus modéré à ces outils : des matériels récupérés et conçus pour durer et être réutilisés-recyclés, des réseaux à plus petite échelle et plus faible débit, des redondances mesurées, des usages réfléchis. C'est par exemple la proposition qui est faite par le collectif CHATONS : des hébergements locaux pour des outils numériques conviviaux, administrés par celleux qui les utilisent, sur des matériels sobres et utilisés durant bien plus longtemps.
Nos organisations ont un grand pouvoir dans la construction durable de ces systèmes numériques durables et éthiques : ces systèmes se montent à échelle humaine donc quelques dizaines/centaines d'usagers soutenant supplémentaires peuvent réellement contribuer à pérenniser des logiciels et des infrastructures utiles à tous. Le système du numérique commercial centralisé se nourrit et tire son modèle économique d'une grande quantité de données et d'usagers homogènes. Alors que les systèmes numériques éthiques sont friands d'usagers singuliers attentifs et contributifs.